Je ne peux pas être la seule à avoir l’impression de retourner à l’école

Je ne peux pas être la seule à avoir l’impression de retourner à l’école

14h – L’automne arrive timidement, les averses sont sournoises et le flamboyant des arbres se retrouve collé à ras de terre. J’ai quitté l’école il y a LONGTEMPS mais chaque année, à cette époque, je me retrouve au bord d’une faille spatio-temporelle coincée entre le spleen de fin d’été et l’agitation de la rentrée… Nouvelles habitudes, nouveaux visages, nouveaux défis… Le pigeon voyeur d’en face est revenu de sa quête de l’Amour est dans le square et semble me dire « Mademoiselle N, au tableau je vous prie ! »– je rêve toujours de cette satanée carabine..

C’est officiel c’est en ce moment la rentrée et je ne peux pas être la seule à avoir le sentiment de retourner aussi à l’école avec son lot de frustrations, feu la détresse du tableau noir, feu les bourgeons d’acné, feu l’embarras d’avoir mal fait sans trouver ni quoi ni comment, feu la fièvre du retard, feu la panique des exposés devant 30 paires d’yeux dont ceux de ton crush à qui tu ne diras jamais… qu’il est ton crush. Cette mémoire inconfortable a la vie éternelle, on ne peut pas en faire table rase comme un coup de chiffon sur ardoise, le souvenir qui m’ait le plus pénible en vérité est que la rentrée coïncidait toujours avec mon anniversaire. 

De tous les élèves de l’école, j’étais la seule à être née début septembre, le jour de la rentrée des classes. Je suis un PENIS (Petit Événement Non Identifié mais Saoulant), oui, naître au mois de septembre ça craint presque autant que de venir au monde à Noël ! Pourquoi je ne suis pas née au printemps, au moment où la nature s’éveille à l’abondance. C’est vrai quoi ! Les gens nés au printemps et même, soyons foufous, en été sont bénis des dieux. Ils sont beaux, intelligents et lumineux, tout le monde les fête et je suis jalouse à en suffoquer comme un bouledogue. Les fées ne se penchent pas sur les enfants de septembre et j’y ai cru si fort que mon « best » moment demeure toujours aujourd’hui gâché. Et oui, je traîne encore mon balluchon de rage pêle-mêle de solitude et de nullité intégrale. Je n’aime pas septembre, je n’aime pas septembre, je n’aime pas septembre, tout est à revoir, de la coupe de cheveux au renouvellement de la carte de bibliothèque et de la bouffe aux fringues, on pose sa peau estivale et on prépare sa mue pour l’hiver ce qui ne laisse guère le temps de célébrer une amie, une fille, une maman… Attention, je le vis bien maintenant, j’y suis résignée depuis le temps avec tout l’apaisement que cela coûte. S’effacer pour ne pas faire de vagues est une des spécialités qu’on apprécie le plus chez moi, je disparais dans la faille du temps pour réapparaître sans avoir manqué à quiconque. C’est magique et très pratique.

Je me demande si le pigeon d’en face, que j’ai surnommé Pitt comme l’écureuil que je croise le matin pendant mon jogging (oui j’appelle tous les animaux que je croise Pitt), est né en septembre également ? L’espace d’un instant j’aurais presque de la peine pour le volatile. 

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